L 'ENVIRONNEMENT
L'ENVIRONNEMENT THERMIQUE
DES TOITURES JARDINS
extraits de l'intervention effectuée le 16 juin 1999 lors du Colloque "Confort d'été" organisé dans le cadre du programme Thermie de la Commission Européenne et du programme "Energie propre" de la région PACA
cliquez sur les vignettes pour agrandir les graphiques
L’intégration du végétal dans l’espace bâti présente bien des avantages :
- l’aspect esthétique des végétaux
- l’effet d’ombrage des arbres
- la filtration de la poussière
- l’effet régulateur des espaces plantés sur les eaux de ruissellement
Mais l’aspect que je voudrais développer aujourd’hui porte sur le rôle
de régulateur thermique des toitures jardins sur les locaux qu’elles recouvrent.


LA TEMPÉRATURE DU SOUS-SOL
Pour comprendre l’effet de climatisation naturelle des toitures jardins, il nous faut étudier de quelle façon s’établissent les températures dans le sous-sol.
Le sol est soumis à deux types de variations climatiques : les variations journalières et les variations saisonnières.
Les variations journalières de la température de l’air sont quasiment négligeables.
L’Underground Space Center de Minneapolis, qui a consacré de nombreuses recherches aux bâtiments semi-enterrés, a publié une étude qui démontre que les variations journalières sont éliminées à de faibles profondeurs.

Le graphique présente des températures relevées les 8 et 9 janvier 1978 à Minneapolis.
Dans l’atmosphère, les températures minimales de l’air sont de –10°C le 8 janvier, et de –1°C le 9.
Pour ces mêmes journées, les températures maximales sont respectivement de –6°C et +6°C.
Si les variations de la température de l’air sont importantes (16°C), en revanche dans le sol la température reste constante à 20 cm de profondeur autour de 0°C.
À cette profondeur, les variations climatiques journalières n’ont plus d’influence sur la température du sol.
La température du sol ne dépend que des variations climatiques annuelles.
Sur une année, la température de l’air peut sensiblement se transcrire sous une forme sinusoïdale.
Le graphique représente les variations de température dans la région d’Avignon.
La courbe bleue correspond à la température moyenne de l’air.
Sont également indiquées partiellement les courbes des températures minimales et maximales de l’air pour les mois les plus froids et pour les mois les plus chauds.
Les autres courbes indiquent les températures dans le sol calculées à différentes profondeurs.
On constate que l’amplitude des fluctuations décroît avec la profondeur. À 6 ou 7 mètres sous terre, la température se stabilise autour de la moyenne annuelle des températures de l’air, à 15 ou 16°C.
À des profondeurs moins importantes, on remarque un déphasage des minima et des maxima. Ce déphasage s’accroit avec la profondeur.
En juillet, à 2 mètres de profondeur, la température du sol est de 16 / 17°C, alors que les températures maximales de l’air sont de 30°C.

On conçoit ainsi aisément le rôle de climatisation naturelle de la terre.
Chacun a d’ailleurs pu en faire physiquement l’expérience en visitant une grotte en période estivale.
À des profondeurs moins importantes, on retrouve le même phénomène d’amortissement et de déphasage des températures, mais de manière moins sensible.

Le graphique présente les températures relevées à Marignane en 1976.
On retrouve en bleu les courbes de température de l’air moyenne, minimale et maximale.

Les températures du sol ont été relevées à une profondeur de 50 cm, ce qui représente l’épaisseur des toitures jardins traditionnelles.
On constate un décalage des températures d’un mois environ à 50 cm avec un amortissement important.
Ainsi en juillet, alors que la température extérieure atteint 27°C, la température du sol ne dépasse pas les 22/23°C. L’écart de température de 4/5°C représente en effet un rafraîchissement non négligeable.
Inversement, en hiver, on note une température minimale extérieure de 3°C alors que la température du sol ne descend pas au-dessous de 7°C.
L’INFLUENCE DU BÂTIMENT
SUR SON ENVIRONNEMENT THERMIQUE


Les graphiques précédents analysent les températures du sol dans des conditions naturelles.
Dans le cas d’une toiture jardin, le bâtiment a une influence sur la couche de terre de la toiture.
Dans le cas d’une toiture classique, les calories qui s’échappent du local sont immédiatement dissipées dans l’atmosphère.
En revanche, avec une toiture terrasse jardin, les calories migrent dans les couches de terre et élèvent leur température. Petit à petit, il va se créer un réservoir de chaleur au-dessus du logement qui va s’opposer à toute variation climatique brutale.
L’Underground Space Center a procédé à une simulation qui consistait à comparer le comportement d’une toiture terrasse classique avec celle d’une toiture jardin lors d’une brusque variation de température.
Les deux toitures possèdent la même résistance thermique, R = 4,35 m°C/W.
La toiture terrasse classique, que l’on nommera A, est constituée d’une dalle en béton et d’un isolant de 10 cm.
La toiture jardin (B) est également constituée d’une dalle en béton, mais elle n’a que 8 cm d’isolation. En revanche, elle est recouverte d’une couche de terre de 47 cm.
Lors d’une brusque chute de température sur une journée, de -12 à -18°C, la toiture A répond immédiatement à la variation climatique et atteint en deux jours son flux maximal de perte.
La toiture B résiste une journée entière avant que le flux de perte commence à augmenter doucement.
Globalement, les pertes de la toiture jardin sont inférieures de 10% à celles de la toiture classique.

Ainsi, pour deux structures qui ont un comportement identique en régime régulier (résistance thermique identique), on constate un écart important en régime aléatoire.
il est à noter qu’aucune méthode de calcul actuelle ne prend en compte ce phénomène d’inertie thermique.
L’INERTIE THERMIQUE

La notion d’inertie thermique est complexe. En fait, il y a plusieurs types d’inertie. L’inertie thermique est différente selon la nature de l’action thermique.

inertie thermique pour une action thermique extérieure
Il s’agit là du cas le plus simple. La toiture jardin est soumise à des variations de température selon un régime périodique. L’inertie peut être caractérisée par le déphasage et l’amortissement.

inertie thermique pour une action thermique intérieure
Ces actions sont considérées comme permanentes (chauffage du logement) ou aléatoires (surchauffe due à l’ensoleillement par exemple).
Dans ce cas, il n’existe pas de modèle de calcul. le phénomène est complexe. Le flux de chaleur à travers la toiture augmente successivement les couches de terre, réduisant ainsi les transmissions thermiques vers l’extérieur. Après un certain temps, on assiste à un reflux de chaleur vers l’intérieur du logement.

inertie latente
C’est un phénomène dont on parle moins et qui est pourtant loin d’être négligeable.
Il s’agit des propriétés de chaleur latente des matériaux lors d’un changement d’état. Le passage d’un état liquide à un état gazeux absorbe une grande quantité d’énergie. L’énergie absorbée sera restituée lorsque le matériau revient à son état initial.
Dans le cas de toiture jardin, l’assèchement du sol et l’évapotranspiration des végétaux entraînent un très important rafraîchissement.

LA NÉCESSITÉ D’UNE ISOLATION THERMIQUE
L’inertie thermique ne remplace pas l’isolation.
Pour supprimer l’isolation thermique d’une toiture composée de 10 cm d’isolation et de 50 cm de terre tout en gardant la même résistance thermique, il faudrait une épaisseur de terre de 3 mètres.
Si de telles épaisseurs sont courantes dans l’habitat troglodytique traditionnel, il n’est pas raisonnable de concevoir des bâtiments recouverts d’une telle épaisseur de terre en raison du poids de celle-ci.

LES SURCHARGES DES STRUCTURES
Les structures recouvertes de terre sont soumises à de fortes charges. Ces charges peuvent se décomposer en trois catégories.

• Les charges inertes sont celles qui exercent des forces permanentes sur la structure. Il s’agit du poids propre de la terre. Celui-ci n’est pas négligeable, on l’estime à 1800 kg/m3 en moyenne.
Les charges augmentent donc très rapidement avec l’épaisseur de la couche de terre, il y a lieu de limiter cette épaisseur, afin de ne pas surenchérir le coût du bâtiment.

• Les charges dynamiques varient en intensité et en direction.
Dans le cas d’une toiture jardin, la végétation et les arbres soumis aux effets du vent exercent des forces qui peuvent être très violentes sur la structure du bâtiment.
Les charges dues à la présence d’eau doivent également être prises en compte.
La capacité de rétention d’eau du sol dépend de sa composition. Pour un sol sableux grossier, on estime sa capacité de rétention à 30% du poids du sol sec. Ainsi une terre sèche qui pèse 1800 kg/m3 passe à 2400 kg/m3 lorsqu’elle est saturée d’eau. On conçoit la nécessité d’un drainage correct des toitures jardins.

DEUX TYPES DE TOITURES VÉGÉTALES

Les toitures recouvertes de végétation se partagent en deux grandes familles.

• Les toitures jardins traditionnelles sont recouvertes par une couche de terre de 20 à 50 cm, voire beaucoup plus dans certains cas.
• Les toitures végétalisées sont quant à elles recouvertes d’un substrat de faible épaisseur de l’ordre de 5 à 10 cm.

Les toitures végétalisées sont de technique plus récente.
Elles ont pour principal avantage d’être légères et de ne pas exercer de fortes charges sur les bâtiments.
En revanche, on ne peut pas planter la végétation que l’on souhaite, il s’agit d’espèces présélectionnées intégrées au substrat.
L’inertie thermique de ces toitures est également faible, et de ce fait elles sont beaucoup moins intéressantes pour le confort thermique. Il faut cependant souligner leur rôle rafraîchissant en été, dû à la végétation et à l’évapotranspiration.

LE RÔLE DE LA VÉGÉTATION DANS LE CONFORT THERMIQUE

Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que des effets des couches de terre sur le confort thermique.
Le graphique représente des mesures de température réalisées par M. De Villèle de l’INRA de Montfavet sous un sol nu et sous un sol gazonné à 50 cm et à 1 mètre de profondeur.
On constate
- que l’influence de la végétation décroît avec la profondeur.
- que cette influence est plus importante en été qu’en hiver.
Au mois de juillet, à 50 cm, la température sous un sol gazonné est de 21°C alors qu’elle atteint 24°C sous un sol nu. Cela représente 3°C d’écart, ce qui est très important en termes de confort.

À ces données brutes, il faut ajouter que l’utilisation même de la terrasse va également améliorer le confort d’été, par l’arrosage et l’effet d’ombrage des arbres ou arbustes.
L’arrosage du jardin va provoquer une évaporation qui va dissiper les calories emmagasinées dans le sol.
Les essences plantées auront également une influence plus ou moins grande, selon la taille des végétaux et leur capacité d’ombrage et d’évapotranspiration.